Briser le cercle de la pauvreté en appauvrissant les plus vulnérables

Briser le cercle de la pauvreté en appauvrissant les plus vulnérables

Par Serge Lachapelle

Le gouvernement Couillard poursuit sa politique d’austérité en s’en prenant aux plus vulnérables. Son ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad a annoncé le 10 novembre une «réforme» de l’aide sociale. Selon le projet de loi 70 déposé le 10 novembre, les demandeurs de prestations d’aide sociale n’ayant aucune contrainte particulière devront obligatoirement s’inscrire à une démarche d’emploi, sous peine de pénalité financière. Ces derniers, pour la plupart des jeunes, pourraient voir leur chèque d’aide sociale coupé de moitié, s’ils refusent la recherche d’emploi.

Lors de la période de questions à l’Assemblée nationale mercredi le 11 novembre, le ministre Hamad a parlé de l’«ambition» qu’il faut avoir pour nos jeunes. «Est-ce qu’on peut accepter de laisser tomber nos jeunes dans la pauvreté et la tristesse.»

Il a ajouté sans rire: «Ce que nous voulons, c’est que nos jeunes, notre grande richesse (…) puissent aller travailler.»

Lors d’un point de presse, il a justifié son projet de loi en disant qu’il fallait briser le cercle de la pauvreté. Plusieurs activistes se demandent comment le fait d’appauvrir les plus vulnérables va briser le cercle de la pauvreté.

Quant aux nouvelles demandes des travailleurs du secteur public et parapublic qui refusent l’appauvrissement, elles ont été rejetées avec mépris par le ministre Coiteux et ce selon la logique tordue qui dit qu’appauvrir les travailleurs et la population est bénéfique pour l’économie.

La réalité est venue donner raison à tous ceux qui exigent le plein respect de leurs droits. Selon le rapport Bilan-Faim 2015 de l’organisme Banques alimentaires Canada, la fréquentation des banques alimentaires canadiennes continue de frôler des niveaux records. La situation est identique au Québec. Les statistiques révèlent que 852 137 personnes, dont 305 366 ont eu recours aux banques alimentaires en mars dernier. Une hausse de 1,3 % par rapport à la même période en 2014.

L’étude constate que le recours aux banques alimentaires a été plus élevé qu’avant le déclenchement de la crise économique de 2008 dans une proportion de 26 %. Cela signifie que par rapport à 2008, chaque mois, 175 000 personnes de plus demandent de l’aide.

Au Québec, c’est 1,7 million de demandes qui sont faites chaque mois, ce qui constitue près de 100 000 demandes de plus par rapport à l’an dernier. Plus du tiers de ces demandes (342 987 paniers de provisions) sont effectués par des enfants.

Malgré cette situation dramatique, les banques alimentaires québécoises souffrent d’une pénurie chronique. « Les demandes augmentent sans cesse, mais nous avons toujours un manque de denrées, sans compter le manque de fonds pour récolter plus de dons en nourriture, explique le directeur général des Banques alimentaires du Québec », Zakary Rhissa.

« Les enfants et les aînés, parmi les plus vulnérables de la société, sont de ceux qui sont le plus touchés par la faim au Québec », poursuit-il.

Zakary Rhissa, a expliqué à La Presse Canadienne qu’au-delà de la pression qu’ajoute l’augmentation du nombre de demandes, la collecte auprès des fournisseurs est devenue plus difficile. « De plus en plus, les denrées ont une valeur marchande beaucoup plus importante », note-t-il.

« Et en plus, il n’y a pas d’incitatif fiscal pour les donner. Si les fournisseurs les jettent, ils peuvent réclamer la perte. Donc, ça leur coûte plus cher de les donner à une banque alimentaire parce qu’ils n’ont pas de retour et en plus, pendant qu’ils attendent que quelqu’un vienne les chercher, ils doivent payer la manutention. »

Katharine Schmidt, directrice générale de Banques alimentaires Canada, signale qu’à court terme, les gens se tournent vers les banques alimentaires en raison de mises à pied, d’une maladie subite ou d’une augmentation de loyer qui empiète sur le budget alimentaire.

À son avis, des millions de Canadiens sont aux prises avec des revenus qui sont nettement inférieurs aux sommes nécessaires pour affronter le coût de la vie de base.

Pour que diminue le recours aux services, Banques alimentaires Canada propose d’investir dans la création de logements abordables; d’aider les Canadiens à acquérir les compétences pour accéder aux emplois bien rémunérés; enfin, d’accroître l’accès à la nourriture traditionnelle et aux aliments achetés en magasin dans le Nord canadien afin de remédier au taux extrêmement élevé d’insécurité alimentaire qu’on y constate.

Faits saillants du Bilan-Faim 2014

-Une hausse des demandes d’aide alimentaire mensuelles: 1 601 115 comparativement à 1 562 737 en 2013.

-37 % sont des demandes pour des enfants de moins de 18 ans.

-En mars 2014, 53 % des organismes ont déclaré ne pas avoir de denrées en quantité suffisante pour répondre à la demande, soit 22 % de plus que l’an dernier.

-12,1 % des organismes ont dû fermer leurs portes en 2014 comparativement à 3 % l’an dernier.

-15.5 % des ménages ont été servies pour la première fois en 2014