Le Plateau Mont-Royal: Les loyers les plus chers en ville!
Résultats de la recherche action 2022 sur les hausses de loyer
Par le Comité logement Plateau Mont-Royal (CLPMR)
Janvier 2023
C’est bien connu, le Plateau Mont-Royal est très avancé dans son processus de gentrification. Un des impacts évidents de cette transformation est le coût des loyers. Selon le rapport Sans loi ni toit publié par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) en juin 2022, le coût d’un logement au Plateau tous formats confondus étaient de 1536$, contrairement à 1393$ pour l’Île de Montréal, entre le 4 février 2022 et le 31 mai 2022.
Au CLPMR, nous voulions confirmer par une recherche notre analyse de la situation: Les hausses de loyer abusives sont causées par les propriétaires qui profitent d’un manque de connaissance des locataires sur leurs droits, de la difficulté à estimer ce qui pourrait être une augmentation raisonnable et de la crainte d’entreprendre un trop long processus juridique et conflictuel au Tribunal administratif du logement (TAL). Dans le cadre de cette recherche-action, nous avons compilé des données sur les hausses de loyer auprès de 207 locataires entre le 27 janvier 2022 et le 30 juin 2022. Nos locataires sont dans leur logement depuis 10 ans en moyenne et paient un loyer moyen de 1020$/mois. 43% des propriétaires sont gestionnaires, 43% sont non-occupants et 14% sont occupants. 14% des locataires ont subi des travaux majeurs à leur immeuble en 2021 et 4% dans leur logement.
La compilation 2022 nous a permis d’obtenir les résultats suivants :
Augmentation demandée par les propriétaires
Les propriétaires ont demandé en moyenne 4,0% d’augmentation pour un montant de 40$. Nos estimés (augmentation en lien avec les taux publiés par le TAL) sont par contre et évidemment moins élevées : notre moyenne est de 2,4% d’augmentation pour un montant de 24$.
Le % le plus élevé qu’un-e propriétaire a demandé est de 44,4% d’augmentation, prétextant un loyer de faveur. Le montant le plus élevé demandé quant à lui est de 360$ en lien avec des travaux majeurs mais, dans ce cas spécifique, nous avions estimé la hausse à moins de 100$. Le % d’augmentation le plus élevé qu’on a estimé est de 22,5% pour un montant de 229$ dans un cas où des travaux majeurs de plus de 400 000$ avaient été faits sur l’immeuble.
Augmentation moyenne demandée en fonction du type de propriétaire
Étonnamment, les propriétaires qui ont demandé des augmentations de loyer moyennes moins élevées étaient les gestionnaires (3,5%) comparativement aux propriétaires non-occupants (4,3%) et occupants (4,3%).
Augmentation moyenne demandée en fonction du chauffage
Les propriétaires ont la possibilité d’augmenter le loyer, en se basant, entre autres, sur les indices reliés au type chauffage publié par le TAL.
L’augmentation demandée était plus élevée dans les logements non chauffés (4,0% vs 3,8%), ce qui n’est pas logique, mais qui s’explique par quelques données extrêmes qui viennent impacter le total. Il n’y a d’ailleurs pas de grande différence sur la hausse demandée selon le type de chauffage : 3,1% électricité, 4,2% gaz et 4,3% mazout. Il y a plus de différence dans nos estimations : 1,9% électricité, 2,6% gaz et 4,4% mazout. Hypothèses: les propriétaires demandent habituellement une augmentation de base beaucoup plus élevée que ce qui leur est permis quand le % est plus bas, mais les propriétaires de logements chauffés au mazout ont respecté les indices de 2022 vu le % élevé de base.
Épargne des locataires lors d’une négociation ou d’un refus
Suite à un refus, les locataires ont épargné en moyenne 31$ mensuellement. Les locataires ayant tenté plutôt la négociation ont épargné quant à elles et eux 12$ mensuellement. Ce qui est intéressant de noter est que 20 locataires (10% de notre base de données) n’ont eu aucune augmentation en 2022 finalement, soit parce que la ou le propriétaire était hors délais avec son avis, soit parce qu’ille n’a pas ouvert de dossier au TAL, mais le plus souvent c’était parce que le dossier a été fermé au TAL, faute de notification.
Conformité de l’avis d’augmentation de loyer
16% des avis envoyés par les propriétaires étaient non-conformes. Exemple de non-conformité: l’avis n’indiquait pas la possibilité pour le ou la locataire de refuser sa hausse de loyer tout en renouvelant son bail ou l’avis ne s’adressait pas à toutes les personnes signataires du bail.
Justifications à la hausse de loyer
80 propriétaires se sont justifié-e.s verbalement ou par écrit de l’augmentation demandées alors que 111 ne l’ont pas fait. Voici ce qu’ils et elles ont soulevé afin de convaincre les locataires:
Coût des travaux: 28
Hausse des assurances: 24
Hausse des Taxes: 23
Hausse des frais d’exploitation: 18
Augmentation du coût de la vie, inflation: 15
Grille de calcul du TAL: 6
Hausse du coût de l’énergie: 4
Loyer bas ou prix du marché: 4
Hausse des frais d’entretien: 4
Coût de l’hypothèque: 3
Demande des investisseurs: 1
Notons que plusieurs propriétaires ont donné comme justifications à l’augmentation de loyer des travaux, alors qu’il n’y en a pas eu ou que ceux ont eu lieu en 2020 ou qu’ils n’ont pas encore eu lieu… Aussi, certaines justifications n’ont pas lieu d’être: la ou le propriétaire renouvelle son hypothèque ou fait une demande de prêt, les investisseurs demandent une hausse des loyers ou encore il y a une augmentation des frais de condo. Certains propriétaires ont tenté de convaincre des locataires en leur affirmant que leurs loyers est trop bas comparé à la moyenne du marché, qu’elles et ils habitent le Plateau et qu’il faut assumer que le quartier est cher. Les locataires rapportent avoir peur de nuire à la relation avec le propriétaire et ne plus se sentir bienvenus dans leurs logements.
En conclusion, malgré les mécanismes de fixation de loyer du TAL, les locataires sont à risque de recevoir une hausse de loyer abusive. Le refus d’augmentation et les craintes de représailles du propriétaire pèsent lourds sur les épaules des locataires du Plateau. Il nous apparait évident que les loyers deviennent totalement inabordables, alors que l’inflation touche toute la population. Comment les gens pourront se loyer convenablement si le gouvernement provincial n’instaure pas immédiatement un registre des baux universel et obligatoire? Ceci permettra d’éviter les hausses de loyer abusives entre un ancien et un nouveau locataire. De plus, les indices publiés par le TAL pour 2023 sont beaucoup plus élevés qu’en 2022. Le CLPMR s’attend à ce que les locataires se retrouvent avec des hausses de loyer encore plus élevés, mais qui ne seront pas nécessairement considérés abusives par le TAL. Finalement, la situation est déjà très alarmante. Un gel des loyers immédiat est plus que nécessaire, afin de refroidir le marché locatif hors de contrôle.
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